Design & Mode
L’architecture au service du bien-être
« L’architecture devrait parler de son temps et de son lieu, mais aspirer à l’intemporalité ». Les mots de Frank Gehry, grand architecte américano-canadien, transcendent eux-mêmes le temps. De celle-ci, nous retenons de prime abord l’importance d’avoir un toit sous lequel s’abriter et des murs sur lesquels compter. Mais un toit et des murs sont-ils suffisants? Qu’en est-il du bien-être face à une jungle de béton? L’intemporalité devrait-elle être le but de tout architecte aux dépens de l’urgence climatique et sociale d’une époque? Regard sur les fondations d’une société en plein questionnement.
L’architecture peut-elle avoir un impact sur le bien-être ?
« L’architecture est fondamentale au bien-être des gens », soutient Jean Pelland, architecte principal lors de la création du Bota Bota il y a plus de dix ans. L’architecture est selon lui, avant tout, une forme d’art appliquée. « Le bien-être et le confort de chacun est inhérent à tout ce que nous faisons lorsque nous travaillons sur un projet. »
Nombreux sont les critères qui permettent à un lieu d’offrir ce confort. Charline Lezerac, architecte en formation et ancienne employée du Bota Bota mentionne l’importance de la durabilité en architecture. « C’est notre devoir de questionner notre impact environnemental, comment on consomme. C’est prioriser le bien-être des gens à long terme. »
C’est ainsi que de nouvelles certifications de bâtiments priorisant la santé et le bien-être des usagers ont vu le jour, comme la certification WELL. Celle-ci, considérée comme la plus exigeante au monde, aura établi une base de principes fondamentaux à suivre.
« Mais cela va bien au-delà de cette certification », argumentent Jean et Charline. Selon eux, il s’agit aujourd’hui d’avoir une philosophie complète axées sur le bien-être. « Nous sommes rendu à une époque où chaque geste compte. » Ainsi, ne pas construire serait par exemple mieux que de mal construire.
Intégrer son environnement
Nature et lumière, des mots clés fondamentaux dans l’architecture d’aujourd’hui et de demain. « C’est un travail sur les proportions des choses. La lumière naturelle est un élément clé. », explique Jean. Celui-ci va main dans la main avec le design biophilique, soit celui d’intégrer la nature à son environnement, afin de favoriser le confort à ceux qui l’habite. « C’est un travail de plus en plus courant chez les architectes », m’apprend Jean. Dans une société postpandémique, les gens ont retrouvé le principe du confort de la maison.
Plusieurs études ont été menées afin de prouver les effets positifs d’un espace biophilique sur la santé, de façon très concrète. « Dans les milieux hospitaliers, certaines recherches suggéraient que les patients en contact visuel avec des plantes avaient une période de rétablissement plus courte », m’informe Charline.
Malheureusement, les projets d’ordres publiques qui pourraient apporter un bien-être de qualité similaire à celui-mentionné plus haut, se heurtent souvent à des murs systémiques. Si les personnes qui régissent ces systèmes n’ont pas de vision long terme, les études futures et en cours seront des atouts majeurs dans la construction d’un avenir meilleur.
Le bien-être en entreprise
« Ce qui est important, c’est de penser à la relation que les gens désirent entretenir avec leur travail, de prendre en compte ce qui a fondamentalement changé avec les années. » La pandémie n’est qu’un facteur parmi tant d’autres qui aura modifié notre vision du travail et comment nous l’abordons au quotidien. « Les lieux de travail commencent à évoluer », continue Charline. « On est moins sur la route, on permet plus de télétravail et on est plus productif en moins de temps. La semaine de 4 jours prend d’ailleurs de plus en plus de place. Les entreprises ont tout intérêt à évoluer pour permettre cette diversification-là ».
La vision glorifiée du travail dans une société de consommation exacerbée commence petit à petit à changer, et c’est ainsi que les lieux se modèlent en fonction des besoins. « On souhaite des espaces pour que les gens puissent prendre des pauses plus restauratrices que des coupures dans la journée, et être plus en contact avec la nature et la lumière ».
Il s’agit aussi de repenser les espaces professionnels afin de leur donner plusieurs usages. Si les tours des centres-villes se retrouvent à moitié désaffectées, pourquoi ne pas leur inventer une deuxième vie ? « Il faut penser à toutes les alternatives. Un restaurant peut aussi être un espace de travail collaboratif, un spa peut devenir un lieu de conférence… » Les options sont nombreuses. Mieux intégrer son environnement, c’est offrir à l’architecture la chance de mieux habiter l’espace qu’elle occupe.
Le Bota Bota est un exemple parfait de ce recyclage de biens matériels. Ancien traversier, celui-ci aura vécu plusieurs vies avant de se retrouver amarrer au Vieux-Port. Une prouesse dont Jean Pelland est aujourd’hui toujours très fier. « Transposer l’idée du spa sur la terre ferme à l’eau a guidé sa conception dès le début. Une de ses caractéristiques principales c’est son environnement. C’est un panorama assez inouï. »
La maison du futur
« Bonne question ! », s’exclame Jean lorsque je lui demande de me décrire à quoi ressemble la « maison du futur ». Cette question suscite une certaine réflexion. Imaginer le futur dans le contexte actuel est un exercice nébuleux. « Elle se trouve dans un environnement très ouvert qui est vraiment lié à la nature. Un lieu où on atteint une grande transparence entre l’intérieur et l’extérieur ». On imagine ainsi une habitation autour et dans laquelle la nature reprend possession de son espace. C’est aussi un endroit qui rassemble, qui uni, « quelque chose de plus convivial, moins axé sur le paraître. »
Avec une pénurie accrue de logements accessibles, la maison du futur nous invite à repenser à la répartition des familles au sein de nos communautés. Et si la réponse évidente se trouvait dans la communion des vies et biens sous un même toit ? Peut-être celui d’une maison pavillonnaire ?
« Mon espoir pour le futur c’est celui de la décroissance », m’avoue Charline, « comme une maison dans laquelle on va partager certaines ressources. » Elle m’indique ainsi l’option d’une grande terrasse qui pourrait être partagée par deux ou trois familles, ou la possibilité d’habiter avec plusieurs membres d’une même famille, comme les grands-parents. « Et pourquoi pas le partage d’une tondeuse à gazon pour 6 familles? »
Outre un lieu physique, la question de la maison du futur en soulève d’autres. Qu’en est-il de l’évolution de nos rues, de nos quartiers, de nos villes ? « Il est important qu’un mélange équitable de population puisse exister. Les taxes seraient mieux réparties et les écoles, par exemple, seraient financées de façon plus égale. Il faudrait aussi qu’il existe une mixité sociale et économique plus diverse. Les gens auraient, entre autres, moins à se déplacer ». Des éléments qui, mis bout à bout, offrent la perspective d’un avenir plus durable.